125 ans de l’ENSISA à Lille – 23 et 24 septembre 2021
Visite des Ets Lemahieu (Loïc Baert)
480 Av du Mal De Lattre de Tassigny, 59350 Saint André lez Lille
Tricoteur-confectionneur à façon et « Le Slip Français »
Le Made in France avant tout
Notre première visite des « 125 ans lillois » (malheureusement sans nos jeunes étudiants !) nous amène à St André lez Lille et concerne une entreprise de bonneterie de type « coupé-cousu ». Elle est quasi intégrée puisque, à partir des 100 tonnes de fils achetés annuellement, bio écrus (coton à plus de 50%, essentiellement turcs et qui répondront au label GOTS en 2022) ou teints, tout est :
- conçu,
- tricoté,
- coupé,
- confectionné,
- contrôlé,
- emballé et
- expédié sur place, soit environ 600 000 articles par an.
Seul l’ennoblissement (pièces de tricot) est confié à France-Teinture (Troyes) ou TAD (Roanne) donc entreprises également françaises répondant au label environnemental Oekotex. Cet argument « Made in France » est d’ailleurs bien mis en avant.
L’histoire des Ets LEMAHIEU
Créée en 1947 par Henry LEMAHIEU, dont les initiales HL seront reprises sous forme d’acronyme pour l’une des marques « maison » ACHEL, la cible de produits est la lingerie familiale confortable (sous-vêtements). Le concept était novateur à l’époque. La durée moyenne de confection d’un article va de 5 à 20 mn.
Elle a connu des effectifs variables selon les époques passant de 250 à 90 pour remonter aujourd’hui à 145 collaborateurs.
Depuis, d’autres marques internes ont été développées, (« Hekla » à destination des grandes surfaces pour charger l’outil en hiver) auxquelles se sont ajoutées des marques de créateurs ou distributeurs comme « Le Slip Français ».
Le parc matériel comporte 40 métiers à tricoter circulaires et 25 types de machines à coudre différentes.
La société a été reprise en 2019 par 2 dirigeants, Martin Breuvart, (formation technique) et Loïc Baert (issu du tourisme) Ce dernier nous accueille aujourd’hui.
Nous retrouverons ce type d’association de 2 dirigeants de profils différents et complémentaires chez Cousin-Biotec que nous visiterons en fin de matinée.
Et son avenir
La stratégie future est déjà bien tracée, puisque qu’après avoir été labellisée « France terre textile® » en 2018, reconnue « Entreprise du Patrimoine Vivant » en 2019, les prochains objectifs sont le label « B Corp» en 2024 puis l’impact « Zéro Carbone » en 2030 par l’implémentation de l’éco-conception qui est déjà en cours.
Mr Baert aborde rapidement le problème principal que rencontre la production, (actuellement en pleine croissance) à savoir le recrutement de personnel qualifié. La durée moyenne pour qu’une piqueuse atteigne le plein rendement est de 2,5 à 3 ans. Mr Baert souligne les lourdeurs administratives (une quinzaine de services différents concernés!). Il a engagé un plan de formation d’actuellement 10 personnes par an avec objectif de monter à 20 puis 50.
En plus de la formation technique, le personnel est sensibilisé à la protection de l’environnement (budget formation annuel 100 000 €).
Le profil fréquemment rencontré à l’embauche est la femme de 23 à 28 ans, souvent diplômée, (bac, voire +3 ou +5) qui recherche un emploi stable. Le rendement du schéma classique est assez déprimant ! 80 personnes convoquées, 60 se présentent, 20 sont sélectionnées, 12 acceptent la formation, 11 viennent réellement ! et 8 seulement vont jusqu’au bout du contrat de professionnalisation et du CDI !
Une tentative pour intégrer dans la formation et l’effectif des personnes handicapées a échoué par manque de structures adaptées. L’âge moyen du personnel est de 49 ans mais va évoluer vers 45 ans. Le temps de travail est annualisé, 8h/jour mais 3 ou 4 ou 5 jours d’activité par semaine, environ 1 mensualité l’an passé en heures supp. et une prime annuelle qui approche également 1 mois de salaire.
Passons à la visite
Après cette introduction, la visite commence. 12000 m² de bâtiments sur 15000 m² de terrain. Nous commençons par le tricotage. Nouvelle difficulté de recrutement pour le personnel mécanicien, profils recherchés CAP ou BTS en mécanique et électronique.
A ce stade, toutes les pièces tricotées de 20 kg partent en ennoblissement pour au minimum des traitements d’apprêts (tricots en fils teints), ou teinture et apprêts (tricots écrus). Les matières traitées reviennent dossées-pliées.
La visite et la « cartographie » des pièces est assurée chez l’apprêteur.
Les matières comportant de l’acrylique ou du modacrylique sont calandrées pour les stabiliser. Il est temps de confectionner mais d’abord de matelasser – découper sur l’une des tables Lectra.
Pour l’instant, la découpe se fait sur matelas multicouche dont l’inconvénient est que les défauts éventuellement présents sur les couches inférieures ne sont pas visibles et peuvent se retrouver en plein milieu de panneau, rendant alors le panneau inutilisable.
Une étude est en cours pour couper sur 1 seule épaisseur de tissu afin, en tenant compte de la cartographie, de positionner les défauts repérés dans les chutes de coupe.
La visite des tricots par caméra est également envisagée, mais n’est pas encore opérationnelle pour les tricots chiné.
Parmi les options possibles avant confection, les broderies sur 3 machines…
… avant d’aborder la confection.
N’oublions pas les nombreuses fournitures, les accessoires et fils à coudre qui doivent être disponibles à ce stade (magasin adjacent qui alimente chaque poste via des bacs). La confection est divisée en 3 secteurs, pôle « bas », pôle « haut » et pôle « culottes » (menstruelles).
Pour l’instant, l’atelier de confection est encore organisé en postes autonomes, mais une réflexion est en cours pour éventuellement passer à des groupes de travail par petites lignes. Le personnel est bien sûr associé à ces évolutions.
Les emplacements de stockage des colis sont affectés par l’ordinateur qui organise ensuite le picking.
L’utilisation du carton est privilégiée plutôt que le plastique même dit « recyclable ».
Pour la mise au point des nouveaux produits, il existe une structure de prototypage de 3 à 4 personnes qui peut même être mise au service d’auto-entrepreneurs extérieurs et de start-up moyennant finances.
Toujours en pleine évolution
Le personnel a formé une équipe de « Lemahieu Volontaires » qui anime des projets de sensibilisation à l’environnement, fêtent les anniversaires du mois, et peuvent proposer toute étude de projet à la Direction.
La mise à jour du mode de calcul des primes est par exemple à l’étude avec comme difficulté le nouveau personnel (qui n’atteint pas encore les rendements standards) et l’équipe de prototypage qui travaille « hors rendement ».
Pendant la pandémie Covid 19, Lemahieu a fourni industriellement des kits de masques via différents circuits (Association pour Souffle du Nord, public pour le CHU, ou à titre privé commercial).
La gestion de l’entreprise est actuellement assurée par un AS400 mais un projet d’ERP est en cours (M3, éditeur Infor).
Les bureaux sont aussi en cours de réaménagement, l’implantation actuelle datant de 1980.
Mais il est déjà 10h40, il est temps de remercier chaleureusement Mr Baert qui nous a présenté son entreprise en toute transparence et sans ménager son temps, pour rejoindre à 15 km au N-O, Cousin Biotec.
Philippe LELEU ENSITM 1972
PS : Annie THEVENIN, promo 1973, embauchée en 1974 par Henry Lemahieu à l’ordonnancement, y est devenue responsable technique de 1979 à 1982.