Revue ETN n°315 – 2023 – cttn-iren.com (partenaire de l’ACIT)
Il peut exister une mince frontière entre une véritable stratégie RSE (responsabilité sociétale des entreprises) ou un produit ou procédé présenté comme écologique et le «greenwashing». Il suffit souvent de « gratter » un peu pour relever ou constater les écarts …
Certains acteurs comme certaines associations, mais pas seulement, s’y emploient et saisissent la justice ou l’administration pour publicité mensongère ou communication trompeuse quant aux produits ou aux outils de production de certains acteurs phares, en rapport avec l’environnement ou avec des aspects sociaux. Et l’on a vu des décisions de justice qui ont été dans le sens des plaignants… Et l’on commence à observer les mêmes phénomènes concernant des acteurs économiques de moindre importance : décision administrative ou de justice défavorables aux personnes morales inquiétées, ou confirmation du bien-fondé de la plainte, dans un premier temps. Car, en effet, dans ce domaine, potentiellement, le « greenwashing » a son miroir : plainte infondée pour « greenwashing ». Le Jury Déontologique Publicitaire (JDP), par exemple (organisme d’intérêt général), peut être saisi d’une plainte à ces fins. Il se prononce sur son bien-fondé ou non. En conséquence, la communication ainsi mise en cause devient contre productive… à la fois pour le produit ou le procédé, ou pour la personne morale ou physique qui la diffuse… Cette communication construite sur des allégations sociétales ou écologiques ne relève plus seulement du domaine de la communication, mais sont véritablement de nature stratégique, dans la mesure où elles deviennent très engageantes, avec des implications nombreuses : risques juridiques, politique d’achat et d’investissement, financements, positionnement des produits sur le marché, … Sans oublier les relations avec les parties prenantes tels que les banques, l’Etat, les collectivités locales, etc. Il est donc utile de savoir de quoi on parle, d’agir et de communiquer objectivement. L’Union Européenne s’est d’ailleurs emparée du problème que pose le « greenwashing » : « Initiative on Substantiating Green Claims » (Initiative sur la justification des allégations écologiques). La Commission Européenne a publié récemment une proposition de directive relative à la justification et la communication des allégations environnementales explicites : Green Claims Directive (environnement.ec.europa.eu ; 22 mars 2023).
Greenwashing
Le « greenwashing » est une stratégie de communication et de marketing adoptée par des entreprises ou autres organisations. Elle consiste à mettre en avant des arguments écologiques pour se forger auprès du public une image éco responsable, alors que la réalité des faits ne correspond pas, ou insuffisamment, à la teneur explicite ou implicite des messages diffusés. Formé par l’association/contraction des mots anglais green (« vert ») et whitewashing (« blanchiment » dans tous les sens du terme) ou brainwashing (« lavage de cerveau »), le terme a été créé au début des années 1990 par des ONG soucieuses de dénoncer certaines pratiques qui se sont développées par la suite. Le « greenwashing » génère une distorsion qui porte préjudice aux structures réellement engagées dans des démarches effectives de RSE et de développement durable. Considéré comme de la publicité abusive ou mensongère, le « greenwashing » est notamment combattu en France par l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Une étude de la Commission Européenne de 2020 montre que 53,3 % des allégations environnementales examinées dans l’UE étaient vagues, trompeuses ou infondées et que 40 % n’étaient pas étayées. L’absence de règles communes pour les allégations écologiques volontaires des entreprises conduit à l’«écoblanchiment» et crée des conditions de concurrence inéquitables sur le marché de l’UE, au détriment des entreprises réellement durables. (ec.europa.eu/commission/ presscorner/detail/fr/ip_23_1692).
La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), service du ministère de l’Economie et des Finances, a mené une grande enquête en 2021 et 2022 sur l’utilisation des « allégations environnementales » comme argument commercial pour les produits non-alimentaires et les services. Produit « respectueux de l’environnement » ou « éco-responsable »: ces allégations se sont multipliées pour attirer des clients de plus en plus soucieux de l’impact environnemental de leur consommation, mais une enquête de la DGCCRF sur l’écoblanchiment, publiée ce jeudi, met en exergue de nombreux manquements. Les enquêteurs ont contrôlé « sur tous types de support » – les emballages, étiquettes, sites internet, réseaux sociaux ou publicités en magasin – les allégations environnementales de produits divers comme les cosmétiques, les textiles, les produits d’ameublement, les jouets, les emballages de denrées alimentaires », mais également de « prestations de service comme l’hôtellerie ou la blanchisserie. Il ressort qu’un quart des 1100 établissements contrôlés sont « en anomalie ». A l’issue de ces contrôles, ils ont « dressé 141 avertissements, 114 injonctions et 18 procès-verbaux pénaux ou administratifs », indique la Répression des Fraudes dans son communiqué (BFM-TV / AFP ; 25 mai 2023). Il est clair que les difficultés juridiques et administratives que poseront à leurs auteurs les allégations qui seront mises en cause, vont s’accentuer…
NB : Cet article fait suite à celui de ETN n°310 – Juillet Août 2022