Anne Perwuelz et Usha Behary Massika, Laboratoire GEMTEX, ENSAIT, Université de Lille

Les impacts de l’industrie textile sur l’environnement sont multiples : pollution des sols, de l’eau, de l’air, épuisement des ressources, et changement climatique (ou réchauffement climatique). Les gaz à effet de serre (GES), qui sont générés par les activités humaines, et qui s’accumulent dans l’atmosphère sont responsables du changement climatique. Les expressions impact carbone, ou empreinte carbone, ou bilan carbone, ou contenu carbone, désignent un même indicateur qui est celui de la quantité de gaz à effet de serre générés par une activité humaine et la production d’un bien (Wikipédia). Aujourd’hui le terme « empreinte en Gaz à Effet de Serre » ou « empreinte GES « est souvent recommandé.
Ainsi dans le domaine du textile, l’impact carbone peut être attribué à un produit (par exemple l’impact carbone d’un vêtement ou un filtre à air, ……), à une étape de fabrication (exemple l’impact carbone d’un atelier d’ennoblissement …) ou à un cycle de production (exemple l’impact carbone de la fabrication d’un m2 de tissu imprimé, …).

Les principaux gaz à effet de serre :
Ce sont le dioxyde de Carbone (CO2), le méthane CH4, le protoxyde d’azote N2O et certains gaz fluorés dont l’hexafluorure de soufre SF6. Le CO2 est le principal gaz responsable de l’effet de serre sur la planète. Tous les GES n’ont pas le même pouvoir de réchauffement climatique.
Ainsi 1kg de CH4 a un pouvoir de réchauffement climatique estimé 27,9 fois plus important que celui de 1kg de CO2, pour le N2O c’est 273 fois plus important, et pour le SF6 25 200 fois plus !
L’impact carbone exprime la quantité de GES en équivalent CO2 et est noté CO2eq. Le CO2 est responsable de 75% du changement climatique suivi par le CH4, puis l’oxyde nitreux. Les gaz fluorés, bien qu’ayant un pouvoir de réchauffement climatique très élevé ne contribuent que pour 2% car la quantité émise est extrêmement faible (Figure 1).

Figure 1 : source: Climate Watch, The Word Resources Institute (2020)

 

D’où viennent les GES ?
Au niveau mondial, l’exploitation des terres et des forêts, l’agriculture et l’élevage contribuent à 19% des GES émis, l’industrie à 5%, et la gestion des déchets à 3%. La grande majorité des gaz à effets de serre est émise lors de la production d’énergie 73%. (Figure 2)

Pour le textile, même si d’une part, la génération des fibres naturelles, d’origine animale et végétale et d’autre part les émissions liées à la fabrication des produits chimiques et leur exploitation dans la filière textile ne peuvent pas être complétement négligées, la grande majorité des GES associés a pour origine l’utilisation d’énergie. Cela correspond à l’énergie utilisée pour les transports, l’énergie thermique produite par les chaudières et l’énergie électrique des machines et infrastructures.

Figure 2 Climate Watch, The Word Resources Institute (2020)

Energie et impact Carbone
L’énergie est majoritairement générée par la combustion de ressources fossiles (gaz, essence, pétrole, charbon, …). Cette réaction exothermique produit de la chaleur, qui peut se traduire par une flamme ou par une explosion (Wikipédia). La chaleur est utilisée dans les chaudières thermiques pour chauffer l’eau, et dans certaines centrales électriques thermiques. L’explosion est à la base des moteurs utilisés dans les véhicules. Les produits majoritaires de cette réaction sont du CO2 et de H2O. Les autres produits résultent des impuretés contenues dans ces gaz.

• Transports et impact carbone
Les transports génèrent des GES car les véhicules utilisent très majoritairement des moteurs thermiques. Leur impact carbone, exprimé en CO2eq. par quantité de marchandise transportée sur une distance parcourue, dépend du mode de transport (Figure 3). Ainsi le transport par rail en France émet peu de CO2 puisqu’il fonctionne avec de l’énergie électrique. Les poids lourds qui circulent sur nos routes vont générer beaucoup moins de CO2 qu’un tanker sur les mers pour se déplacer d’une même distance, mais le bilan s’inverse quand il est rapporté à la marchandise transportée. Ainsi, le transport aérien génère beaucoup de CO2 car il transporte peu de marchandise (y compris passagers). L’impact carbone est donc favorable aux déplacements maritimes pour le transport des marchandises.
C’est ce qui explique que pour les produits textiles manufacturés en Asie, le transport impacte peu sur l’empreinte carbone des vêtements, sauf s’ils sont transportés par avion.

Figure 3: source ADEME

• Chaudières
Selon les ressources fossiles qui alimentent les chaudières, les émissions de GES varient pour une même quantité de chaleur émise (Figure 4).
Dans les entreprises textiles, outre le chauffage, ce sont les chaudières de production de vapeur d’eau qui constituent l’essentiel de l’énergie thermique utilisée. Elles sont utilisées dans les ateliers de filature et d’ennoblissement. Ceci explique l’intérêt d’utiliser des chaudières au gaz qui ont un bilan carbone 1,7 fois plus faible que celles au charbon.

Figue 4 : émission de CO2 due à la production d’énergie thermique

• Centrales électriques
La production d’électricité est assurée par la conversion en énergie électrique d’une énergie primaire qui peut être :
– soit mécanique : barrages hydro-électriques, éoliennes, …
– soit thermique : centrales géothermiques, nucléaires, solaires (CSP) ou centrales thermiques exploitant la chaleur générée par la combustion de ressources fossiles : gaz, hydrocarbures, charbon.
-soit directement électrique comme avec l’énergie photovoltaïque (PV)

Figure 5: Selon Ember, in Climate Watch (2020)

Pour une énergie d’un kilowattheure d’électricité produite, l’empreinte carbone dépend de la centrale électrique (Figure 5). Les centrales thermiques qui utilisent les combustibles fossiles génèrent des quantités très élevées de CO2, l’énergie produite est une énergie carbonée.
En conséquence, l’impact carbone d’un atelier de fabrication va dépendre de l’électricité qui alimente les machines. Avec une énergie nucléaire il est 62 fois plus faible que si l’énergie provient d’une centrale à charbon. C’est donc un facteur déterminant influençant le bilan carbone. Or la production textile est très gourmande en énergie : filature, tissage, ennoblissement, tricotage. Pour réaliser des comparaisons de bilan carbone entre différentes usines, il faut absolument connaitre l’origine de l’électricité. Sauf si l’usine génère sa propre électricité (c’est très rare mais il est possible d’avoir des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes), il est très difficile de connaitre précisément la centrale qui alimente l’usine.

• Notion de mix électrique
La production mondiale d’électricité était issue en 2023 des combustibles fossiles pour 60 %, du nucléaire pour 9,1 % et des énergies renouvelables pour 30 % (hydroélectricité 14,2 %, éolien 7,8 %, solaire 5,5 %, biomasse et autres 2,6 %) (Wikipédia). Cela correspond à 481 g de CO2 par kWh produit. Mais cette répartition varie selon les zones géographiques, ce que l’on peut constater dans la Figure 6. La France avec une électricité majoritairement nucléaire, génère 56 grammes de CO2 par kWh beaucoup moins que la moyenne mondiale. A l’opposé l’électricité produite en Chine ou en Inde émet 582 et 713 gCO2/kWh.

Figue 6 : selon Ember (2024) ; Energy Institute – Statistical Review of World Energy (2024)

Or dans le textile, la production est largement délocalisée dans ces pays. Dans un même atelier qui aurait la même production avec des matières premières identiques et des machines identiques aurait un bilan carbone 10 fois plus faible s’il est situé en France plutôt qu’en Chine.

Conclusion
L’impact carbone quantifie les gaz à effet de serre émis (GES), il est exprimé en CO2eq. Dans le domaine textile, il dépend fortement des systèmes de production d’énergie, thermique ou électrique. Pour faire des comparaisons, on doit l’utiliser associé à une quantité produite (1 kg de matière) ou à un service rendu (1 tonne/kg transporté).