Pratique du désencollage et du blanchiment simultané
Par Aziz Lallam – Abdelaziz.lallam@uha.fr – ENSISA, 11 rue Alfred Werner 68093 Mulhouse
Les produits d’encollage de fils textiles sont généralement à base de dispersions d’amylacés, seules ou en mélanges. Ils sont plus ou moins transformés chimiquement. D’autres produits d’encollage tels que des dérivés d’alcools polyvinyliques, de dérivés de polyacrylate ou encore des composés cellulosiques éthérifiés sont utilisés pour encoller les fils de chaîne. L’interaction des produits d’encollage avec les fils textiles dépend de plusieurs paramètres tels que la température de séchage, la torsion du fils et la contexture du tissu. La résistance mécanique des fils encollés est largement améliorée par rapport à celles des fils non encollés. Ainsi, les fils encollés résistent mieux aux contraintes mécaniques et à l’abrasion contre les organes du métier à tisser. En revanche, les tissus obtenus avec fils encollés compliquent la tâche de l’ennoblisseur lors de la teinture ou de l’impression car la présence de la colle rend, à la fois, le tissu hydrophobe et lui confère un état de surface légèrement rigide et rugueux. Dans ces conditions, les opérations d’ennoblissement ne peuvent être conduites convenablement. Il conviendra alors dans ce cas d’éliminer la couche de colle présente sur le tissu et de procéder ensuite aux différentes opérations d’ennoblissement, teinture, impression etc.
Pour rappel, avant de procéder au désencollage, il est hautement recommandé d’identifier la nature de la colle (Cf. article ACIT sur les méthodes d’identification des colles) sous peine d’insolubiliser le produit d’encollage
Les prétraitements, de façons simplifiés, sont le désencollage, le débouillissage et le blanchiment.
Le désencollage est généralement effectué par imprégnation dans un bain composé d’enzymes et de tensio-actif. Le bain doit être porté à une température comprise entre 60°C et 75°C selon la nature de l’enzyme utilisée. L’activité enzymatique maximale dans certains cas ne peut être obtenue qu’àu voisinage de 100°C.
Le tissu imprégné peut être, soit laissé sur roule en dépôt, soit vaporisé à une température de 100°C.
Il est ensuite lavé à 95°C puis à 60°C et, éventuellement à l’eau courante.
Le débouillissage est toujours effectué en milieu alcalin et à une température située autour de 100°C à l’air libre ou sous pression. L’opération a pour but l’élimination des corps gras par saponification des matières grasses saponifiables du coton et de solubilisation des résidus ligneux.
Le blanchiment a pour but d’oxyder les impuretés qui font partie de la fibre écrue ou débouillie de toutes fibres cellulosiques. Il est effectué, dans la plupart des cas, avec du peroxyde d’hydrogène. Toutefois, dans certains cas, on peut encore utiliser l’hypochlorite de sodium. Les opérations de désencollage, débouillissage, blanchiment sont généralement effectuées en milieu aqueux et à chaud. Chacune d’entre elles est suivie de lavages à chaud et à froid entrainant une consommation importante d’eau et d’énergie. En ennoblissement classique, ces opérations sont conduites séparément et dans l’ordre de la description qui vient d’être présentée succinctement.
L’objectif de cet article
Le but de cet article consiste à présenter une méthode alternative aux prétraitements classiques applicables en une seule étape permettant de réduire la consommation d’eau et d’énergie.
Le procédé de désencollage-blanchiment se déroule en une seule opération dans un bain composé de peroxyde d’hydrogène, d’une base telle que l’hydroxyde de sodium, éventuellement d’un agent stabilisant tel que le silicate de sodium, d’un agent séquestrant comme par exemple un sel de sodium d’Acide Diéthylènetriamine Pentacétique, (DTPA), d’une préparation enzymatique à base d’une enzyme de dégradation de l’amidon et un agent tensio-actif. L’opération doit être conduite à pH compris entre 10 et 10,5. Le débouillissage est effectué dans la foulée.
Une recette type d’une telle opération peut être proposée comme suit :
- Eau oxygénée à 35 % 40 – 60 ml/l
- Hydroxyde de sodium 6 – 7g/l
- Agent séquestrant 2 – 6 g/l
- Enzyme adaptée à la température du traitement 8 – 12 g/l
- Agent tensioactif 1 -2 ml/l
L’application du procédé se fait de préférence selon une technique comportant :
- Une phase d’imprégnation du tissu dans le bain de désencollage-blanchiment suivie d’un exprimage entre 60 et 100% du poids du tissu sec selon le tissu considéré.
- Vaporisage pour porter le tissu à la température de la réaction souhaitée généralement comprise entre 20°C et 120°C.
- Dépôt par enroulage ou en plis en J-Box, U- Box, machine à tapis… pour un temps pouvant varier de quelques minutes à plusieurs heures.
Le traitement est suivi d’un lavage dans une plage de température située entre 90°C et 60°C et enfin lavage à froid.
Il est conseillé d’ajouter dans le bain de lavage à haute température des produits alcalins tels que, hydroxyde de sodium, carbonate de sodium, phosphate trisodique et des agents tensioactifs.
Un des avantages du procédé est de supprimer une opération de désencollage au mouillé effectuée à température minimum de 60°C – 65°C, ainsi que plusieurs bains de lavage à des températures de 90°C- 95°C. L’application du procédé supprime également une imprégnation de type mouillé sur mouillé c’est-à-dire tissu mouillé entrant dans un bain contenant les produits de blanchiment. Il est à noter que ce traitement nécessite la fois un bain concentré et un maintien du bain d’imprégnation à niveau et à concentration constante, ce qui implique soit un contrôle manuel, soit une régulation automatique.
Important – Dans le procédé classique des prétraitements on doit éviter l’imprégnation mouillé sur mouillé, ce qi impose un passage intermédiaire sur rame sécheuse. Cette opération entraine l’utilisation d’un matériel onéreux et une consommation importante d’énergie calorifique. Le choix de la méthode alternative permet de s’affranchir de la phase de séchage intermédiaire et donc réaliser des économies importantes en eau, vapeur, main d’œuvre et investissement. Les résultats que l’on obtient sur les tissus traités en appliquant la méthode alternative sont excellentes : degré de blanc élevé, élimination de l’encollage pratiquement totale, hydrophilie instantanée et le degré de polymérisation n’est pas affecté.
Exemple d’application : Prenons un tissu en coton écru comportant des puces de 195 g/m2 ayant une réflectance de 55,3% mesurée à l’aide d’un specrtophocolorimètre à une longueur d’onde 457 nanomètre comportant 5,05% en poids de produit d’amylacé destiné à l’impression en colorants réactifs a été directement imprégné dans un bain contenant :
– Soude caustique 4g/l en NaOH
– Stabilisant de type silicate de sodium 4g/l
– Peroxyde d’hydrogène à 35% 40ml/l
– Enzyme de type amylase,
– Mouillant détergent non ionique
Le pH doit être compris entre 10 – 10.5. Pour des résultats optimaux en désencollage et en blanchiment, il est recommandé d’utiliser des solutions tampons.
Une sélection de solutions tampons est fournies à la fin de l’article.
Le tissu imprégné à 100% de son poids de bain est porté par vaporisage à la température voisine de 100 °C – Il est enroulé et stocké dans une chambre calorifugée où il reste en réaction pendant environ 2 h. Après ce temps, il est déroulé et rincé en continu dans une série de bacs contenant de l’eau respectivement à 95°C, 60°C – 50°C et froide. Les résultats obtenus conduisent, après séchage, aux nouvelles caractéristiques suivantes du tissu prétraité :
- Réflectance 78-79 %
- Taux d’amidon résiduel 0.07 %, inférieur au taux habituel.
- Hydrophilie instantanée
- Degré de polymérisation 1650
Conclusion –Résumé
Le traitement qui combine désencollage et blanchiment en passant par le débouillissage représente à la fois une démarche économique et écologique. Il permet de réaliser des économies substantielles sur les produits chimiques et sur la consommation d’eau et d’énergie. Il permet aussi une réduction de temps de travail tout en respectant l’environnement. L’opération combinée de désencollage-blanchiment est effectuée dans un bain dont le pH est compris entre 10 et 10,5 et qui comprend du peroxyde d’hydrogène, de l’hydroxyde de sodium, un agent séquestrant, une préparation enzymatique à base d’un enzyme de dégradation de l’amidon et un agent tensio-actif. L’application de la méthode des prétraitements combinés conduit à résultats comparables à ceux que l’on obtient par application de la méthode classique.
Annexes :
Techniques d’application
Les essais de désencollage – blanchiment décrits ont été réalisés selon la technique suivante
1) imprégnation du tissu écru dans le bain de désencollage – blanchiment ; exprimage pour ne laisser dans le tissu que la quantité de bain nécessaire à la réaction. Cette quantité a été fixée à 100 % du poids de tissu sec.
2) Vaporisage pour porter le tissu à la température de réaction souhaitée 90 – 95°C.
3) Dépôt par enroulage ou en plis pendant une heure à température. Le traitement est suivi d’un lavage à 90 – 95°C, d’un lavage à 60°C et d’un lavage à froid. Le bain de base de désencollage – blanchiment utilisé dans les exemples ci-après est le suivant :
Solutions tampons
- pH 10,4 : formiate de sodium, Na HCO2 15g/l
- pH 9.5 : bicarbonate de sodium, NaHCO3 22g/l et carbonate de potassium 8,4g/l
- pH 9,8 : métaborate de sodium, NaBO2 14g/l
Réalisation de solution tampon
Il existe une multitude de recette de solutions tampon, voici, ci-dessous, un mode opératoire pour préparer des solutions tampon à pH compris entre 7 et 12.
Ce sont les pH les plus utilisés dans les prétraitements des cotons écrus.
pH = 7 => Mélanger 50 mL dihydrogénophosphate de potassium (KH2PO4) à 0,1 mol/L + 29,1 mL d’e NaOH à 0,1 mol/L. Compléter à 100 mL avec de l’eau.
pH = 8 => Mélanger 50 mL dihydrogénophosphate de potassium (KH2PO4) à 0,1 mol/L + 46.7 mL d’e NaOH à 0,1 mol/L. Compléter à 100 mL avec de l’eau.
pH = 9 => Mélanger 50 mL de borax à 0,025 mol/L + 4,6 mL d’ HCl à 0,1 mol/L. Compléter à 100 mL avec de l’eau.
pH= 10 => Mélanger 50 mL de borax à 0,025 mol/L + 18,3 mL de NaOH à 0,1 mol/L. Compléter à 100 mL avec de l’eau.
pH = 11 => Mélanger 50 mL de di-sodium hydrogéno phosphate à 0,05 mol/L + 4,1 mL de NaOH à 0,1 mol/L. Compléter à 100 mL avec de l’eau.
pH = 12 => Mélanger 50 mL de di-sodium hydrogéno phosphate à 0,05 mol/L + 26,9 mL de NaOH à 0,1 mol/L. Compléter à 100 mL avec de l’eau.