Article rédigé par Camille MAESEELE, consultante en évaluation environnementale chez Anthesis.

Comme exposé dans l’article précédent, l’ESPR prévoie d’indiquer la présence de substances préoccupantes (Substances of Concern – SoC) dans les produits, notamment à travers l’implémentation du nouveau passeport numérique (DPP).
L’ESPR met l’accent sur les exigences en matière d’information pour les SoC, l’objectif n’étant pas d’ajouter une autre réglementation limitant l’utilisation de produits chimiques dangereux (ce qui existe déjà, ex. législations REACH, BPR et POP).
Il existe déjà plusieurs systèmes de certification et de gestion des produits chimiques dans le secteur de l’habillement, par exemple la liste des substances soumises à restriction du ZDHC, les normes OEKOTEX 100 et le label écologique de l’UE pour les substances dangereuses. Le champ d’application de l’ESPR est toutefois beaucoup plus large et s’applique à tous les produits.

Définition des SoC selon l’ESPR
Dans l’ESPR, les SoC sont caractérisées par 4 critères (1 seul étant suffisant) :
• Les substances extrêmement préoccupantes (SVHC) selon REACH ;
• Les substances faisant l’objet d’une classification harmonisée pour certains dangers pour la santé ou l’environnement énumérés dans le règlement et incluses dans l’annexe VI du règlement CLP ;
• Les substances réglementées par le règlement (UE) n° 2019/1021 sur les polluants organiques persistants (POP) ;
• Les substances qui ont un effet négatif sur la réutilisation et le recyclage des matériaux dans le produit dans lequel elles sont présentes  Nouvelle catégorie non définie en détail.

Des SoC par catégorie de produit

Dans l’ESPR les SoC sont spécifiques au produit, i.e. définies dans des actes délégués spécifiques au produit et ce à l’issue d’un processus de consultation (y compris la consultation publique et l’évaluation d’impact). La liste des substances pertinentes pour un groupe de produits peut ainsi être modifiée au fil du temps par la révision de l’acte délégué.

Ce qu’il faut retenir :
– Par défaut, ces substances seraient soumises à des obligations d’information, mais pas nécessairement à des restrictions ;
– Pas de liste centrale : pour chaque critère, plusieurs sources d’information peuvent être consultées pour identifier les SoC.

Exemple : les retardateurs de flamme halogénés affectent le recyclage des écrans électroniques.

Figure 1 – Processus de définition des exigences pour les SoCs dans l’ESPR

L’ESPR ne fixera pas d’exigences basées sur les aspects de sécurité chimique. C’est le rôle de la législation spécifique, par exemple REACH

SoC & DPP
Le DPP comprendra des informations sur toutes les SoC présentes dans un produit réglementé (au-dessus des seuils pertinents).
Les détails des exigences en matière d’information (par exemple, le type d’information et les droits d’accès) seront spécifiques au produit et définis dans les actes délégués spécifiques au produit.
Les informations minimales requises sont les suivantes :
• Nom ou code numérique (nom UICPA, autres noms, numéro CE, numéro CAS) ;
• Emplacement dans le produit ;
• Concentration, plage de concentration ou concentration maximale ;
• Instructions pertinentes pour une utilisation sûre ;
• Informations relatives au démontage, à la préparation en vue du réemploi, à la réutilisation, au recyclage et à la gestion environnementale du produit en fin de vie.

Certains détails concernant les SoC et le DPP sont encore à définir, comme par exemple :
– Quel type d’information sur les SoCsseront incluses dans le DPP ;
– Si les informations sur les SoC seront accessibles à tout le monde ;
– Si les consommateurs verront les niveaux de tous les SoC dans un produit donné (par exemple, par le biais d’un score ou d’une étiquette).

Bon à savoir : Les substances et mélanges chimiques n’ont pas besoin d’un DPP propre (même s’ils répondent à un critère des Sos), sauf s’ils font partie d’une catégorie de produits spécifiquement réglementée par l’ESPR.

Impact environnemental des SoC

L’évaluation de l’impact environnemental des produits concernés par l’ESPR, et notamment des SoC qu’ils contiennent sera une étape clé pour se conformer au DPP.
Bien qu’il ne soit pas encore précisé de quelle manière cela devra être réalisé (méthode, indicateurs, etc.), il est fort probable que la méthodologie PEF (Product Environnemental Footprint) et sa base de donnée associée (EF 3.1) seront des piliers pour la génération des données environnementales contenues dans le DPP.
Développée par la Commission en 2013 et mises à jour en 2021, la méthode de l’empreinte environnementale des produits (PEF), basée sur l’analyse du cycle de vie (ACV), fournit des règles harmonisées pour quantifier et communiquer les impacts environnementaux des produits, y compris les biens et les services. S’appuyant sur des normes mondiales (par exemple ISO 14040/44) et d’autres approches pertinentes, la méthode PEF se concentre sur la réduction des impacts tout au long de la chaîne d’approvisionnement des produits – de l’extraction des matières premières à la gestion des déchets. Elle fournit des exigences spécifiques à des secteurs et types de produits pour la modélisation des flux de matières, des émissions et des flux de déchets, permettant une compréhension et une gestion approfondies des impacts environnementaux.