L’objectif de thèse de Valentin GAUBERT (thèse de doctorat CIFRE avec Petit Bateau) était de développer un sous-vêtement instrumenté pour les enfants énurétiques. Pour ce faire, il est nécessaire d’y incorporer des électrodes résistantes au lavage et à l’urine. Par conséquent, les résistances des électrodes en fil d’argent ont été étudiées plus spécifiquement. La partie suivante présente ces électrodes et les résultats obtenus pour leurs résistances aux lavages.

 I. Électrodes textiles

Les trois fils d’argent (fil A, fil B et fil C) ont été utilisés lors de cette étude. Un petit métrage de l’étoffe tricotée en double jersey a été utilisé pour chacun des fils. Plus précisément, pour chaque fil, deux grands échantillons de tricot ont été prélevés puis subdivisés en électrodes :

II. Conditions de lavage

Cette étude a pour but d’évaluer l’impact mécanique ainsi que chimique du procédé de lavage. De plus, ces impacts sont étudiés séparément et simultanément. Par conséquent, chaque lot d’électrodes a été lavé dans des conditions distinctes :

Chacun des lots a par la suite été subdivisé en quatre sous-lots, lavés avec des détergents différents. Ils seront numérotés selon les détergents utilisés :

Cette étude étant réalisée pour la marque Petit Bateau, les conditions de lavage en machine ont été adaptées pour représenter au mieux celles des clients. Par conséquent une machine à laver domestique (ENF 1486 EHW, Electrolux) a été utilisée. Chaque échantillon du lot M a été lavé 30 fois avec le cycle délicat (lavage à 30°C pendant une heure, essorage 400 tours/min) avec chacun des détergents. Pour chaque lavage, 1,8 kg de vêtements ont été lavés avec les échantillons pour simuler un cycle de lavage domestique, comme préconisé par la norme AATCC135. Pour tous les sous-lots M-X (X représentant 1, 2, 3, ou 4), une électrode carrée de 10 x 10 cm² a été prélevée de chaque échantillon de tricot (donc pour chaque fil) après chaque lavage puis séchée sur fil à température ambiante. Cependant, seuls les échantillons lavés 5, 10, 15, 20, 25 et 30 fois ont été analysés scrupuleusement. Les autres échantillons ont tout de même permis de confronter quelques mesures, lorsque certaines paraissaient surprenantes. Par conséquent, pour chaque sous-lot M-X, 18 électrodes (6 par fil) ont été analysées, soit 72 au total pour le lot M.

Comme les cycles de lavage pour le lot M durent 1h, la même unité temporelle a été choisie pour le lot S. Les électrodes ont donc été retirées toutes les 5 heures pendant 30 heures. Il s’est avéré suffisant d’analyser seulement les électrodes toutes les 10 heures car l’impact chimique isolé des détergents est faible. Par conséquent, 9 électrodes (3 pour chacun des 3 fils) ont été analysées soit 36 pour le lot S.

A partir de l’analyse des échantillons ayant subi 8 conditions de lavage différentes, les impact mécaniques et chimiques du lavage ont pu être investigués séparément et conjointement. En effet, la comparaison entre les électrodes de S1, S2 et S4 avec celles de S3 permettra de stigmatiser l’impact chimique isolé de chaque détergent. L’impact mécanique isolé peut être jaugé à l’aune de la comparaison entre M3 et S3. Les sous-lots M1, M2 et M4 reflètent l’impact conjoint des détergents et du stress mécanique en machine. Il sera notamment intéressant d’étudier s’il s’agit de la simple somme des impacts isolés ou bien s’il y des interactions entre ces impacts. Plus spécifiquement M4 et S4 vont permettre de stigmatiser l’impact des agents de blanchiment, qui sont présumés endommager l’argent. S3 sera souvent utilisé comme référence mais pourra mettre en lumière une éventuelle fragilité de la couche d’argent lorsqu’elle est simplement trempée dans de l’eau.

III. Caractérisation

Les échantillons ont été observés au microscope électronique à balayage (MEB) afin de mettre en évidence une éventuelle dégradation de la couche d’argent recouvrant les fils. Le microscope Phenom ProX a été utilisé pour les observations. Les observations microscopiques des différentes électrodes illustrent clairement la perte d’argent au fil des cycles de lavage (Figure 1, ci-dessous).

Figure 1. Observations microscopiques des électrodes des fils ; (a) A, (b) B, (c) C, après 30 lavages, pour chaque sous lot

La disparition de la couche d’argent à la surface des fils explique concrètement la diminution de la luminosité, ainsi que l’augmentation de la résistance, voire la perte de conductivité électrique pour M4. En effet, au vu des images il n’y a plus d’argent à la surface du fil donc les charges électriques ne peuvent plus se déplacer. Pour les électrodes M1, il reste encore de l’argent à la surface du fil, ce qui explique que la clarté n’ait pas diminué autant que pour M4. Cependant cette couche d’argent présente d’innombrables craquelures et fractures qui sont autant de discontinuités électriques. D’où la résistance électrique qui est très élevée. Il convient de noter que même en utilisant de la lessive liquide (sans agents de blanchiment), la couche d’argent est endommagée lors du lavage en machine. En fait, même le simple stress mécanique du lavage en machine endommage la couche d’argent, notamment à cause des frottements sur le tambour mécanique qui râpent celle-ci. C’est pourquoi un cycle délicat doit être privilégié, car l’essorage est moins agressif du fait de la rotation plus lente du tambour. Le fil C semble le plus abimé par ces contraintes mécaniques. En fait, il est intéressant de remarquer que la couche d’argent a tendance à se décoller, simplement sous l’influence de l’eau (voir S3, Figure 1 (c)). Ceci explique la grande sensibilité de ce fil remarquée lors des différentes mesures.

Concernant l’impact chimique isolé, il n’est pas non plus totalement négligeable comme le montrent les observations microscopiques des électrodes S4. Même s’il est plus marqué pour le fil C car l’eau dégrade aussi la couche d’argent, de légères dégradations sont observables sur les deux autres fils. Cependant, celles-ci n’impactent pas significativement la conductivité électrique, donc les performances des électrodes. Tout comme l’impact isolé des contraintes mécaniques, comme le montrent les résultats obtenus pour M3. Pris séparément, les impacts mécaniques et chimiques du processus de lavage sont peu significatifs. Cependant, l’impact conjoint et simultané des produits chimiques et des contraintes mécaniques imposées par le tambour de la machine peut être dramatique pour les électrodes textiles. Leur effet cumulé est bien supérieur à la somme de leurs impacts isolés, notamment en présence d’agents de blanchiment. En fait même si l’oxydation de l’argent n’est pas directement observable sous forme de couche d’oxydes d’argent recouvrant la surface du fil, il est fort probable que celle-ci ait lieu. L’oxydation fragilise la couche d’argent et la rend plus vulnérable aux contraintes mécaniques. Plus spécifiquement les frottements avec le tambour arrachent petit à petit la couche d’argent fragilisée.

Également, les échantillons ont été caractérisés avec différentes méthodes de caractérisation pour confirmer les résultats obtenus avec MEB. Ces méthodes sont résumées ci-dessous.

Les variations de teintes des électrodes en nylon argenté au fil des lavages ont été mesurées par un spectrophotomètre (CM-3610A, KONIC MINOLTA) sur la base des mesures de réflectance des échantillons.

La mesure de l’évolution de la résistance surfacique au cours des lavages peut révéler la perte d’argent mais aussi son oxydation car les oxydes d’argent sont moins conducteurs que l’argent pur. Le dispositif Ossila de mesures 4 points a été utilisé.

Pour mettre en évidence la présence éventuelle d’oxydes d’argent à la surface de la couche conductrice, des mesures de spectrométrie de photoélectrons X (XPS) ont été réalisés au CEA de Saclay sur un spectromètre Axis Ultra DLD (Kratos).

Afin de quantifier l’impact des lavages sur la couche d’argent, la masse d’argent présente sur les fils a été mesurée précisément par analyse thermogravimétrique (TGA 4000, Perkin Elmer).

IV. Discussion

Pris séparément, les stress mécaniques imposés par le lavage en machine et l’action chimique du détergent utilisé pour le lavage n’impactent pas de façon significatives les performances des électrodes. Cependant, leur impact conjoint peut avoir des conséquences dramatiques, annihilant les performances des électrodes après une quinzaine de lavages, si le détergent contient des agents de blanchiment. Ces agents sont présents dans la plupart des lessives en poudre. En revanche, les lessives liquides n’en contiennent pas car ils n’y sont pas stables. Néanmoins, le lavage avec ces détergents liquides à un impact négatif sur les électrodes, cependant celui-ci est bien plus modéré. Après 30 lavages les électrodes sont toujours fonctionnelles, et semblent pouvoir tenir jusqu’au moins 50 lavages, ce qui est une promesse client acceptable pour la marque. Par conséquent, il sera préconisé de laver le textile instrumenté développé dans cette thèse uniquement avec des lessives liquides et en utilisant un cycle délicat. Au vu de cette étude, l’utilisation du fil C doit être évitée compte tenu de sa fragilité à l’eau donc aux lavages.

Pour plus d’information sur les résultats : V. Gaubert, H. Gidik, N. Bodart, V.Koncar, Investigating the Impact of Washing Cycles on Silver-Plated Textile Electrodes: A Complete Study, Sensors, Vol. 20, No. 6, (2020), 1-16, https://doi.org/10.3390/s20061739.

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